En janvier 1750, Marc-René de Paulmy de Voyer d’Argenson, marquis de Voyer, acquiert sa propriété d’Asnières. Constitué d’une grande maison, de ses dépendances et de ses jardins, ce domaine est connu pour avoir appartenu entre autres à la comtesse de Parabère, maîtresse du Régent.

Le château fut édifié de 1750 à 1752, sur les fondations de cette maison de campagne. Les plans sont de Jacques Hardouin-Mansart de Sagonne, architecte du Roi, et de brillants artistes comme Nicolas Pineau ou Guillaume II Coustou ont participé à la décoration intérieure et extérieure.

 

Le château d’Asnières est une œuvre significative et typique du XVIIIe siècle ; la chambre du marquis en conserve ses caractéristiques et les deux escaliers principaux sont dotés de très belles rampes en ferronnerie de cette époque.

Quand le marquis de Voyer, Maréchal des Camps et Armées du Roi entre autres titres, est nommé directeur général des Haras de France, il se doit d’abriter les meilleurs éléments de la race chevaline, dont la reproduction doit répondre aux demandes incessantes de l’armée. Son domaine, s’étirant de l’actuel pont de Clichy à celui d’Asnières, comprend divers jardins, de grandes écuries et un manège à ciel ouvert. En 1769, le marquis, endetté, se sépare du château déjà dépouillé de ses meubles.

Depuis, plusieurs propriétaires se sont succédé dont Jean-Baptiste Duchesnay qui devient, en 1836, maire d’Asnières et…châtelain !

Le château sera ensuite utilisé comme bâtiment scolaire (École Ozanam) de 1897 à 1913, puis comme institution pour jeunes filles, Institution Sainte-Agnès, de 1913 à 1975.

 

Première ouverture au public

En 1992, la Ville l’acquiert définitivement et entreprend diverses campagnes de restauration. Les travaux, longtemps différés, ont débuté en 1994 pour s’accélérer à partir de 2004 par la volonté du Maire et du Conseil municipal afin d’aboutir à une ouverture partielle du château au public dès septembre 2006.

Les travaux de restauration de l’ensemble du rez-de-chaussée ont été achevés en 2009 et l’inauguration du monument, avec la restauration complète des pièces du premier étage, a eu lieu en septembre 2014.

Les travaux de restauration ont été assurés par la maîtrise d’œuvre de Frédéric Didier, Architecte en chef des Bâtiments de France, et financés par la Ville d’Asnières-sur-Seine, propriétaire des lieux, avec le concours du Ministère de la Culture (DRAC Île-de-France), du Conseil régional d’Île-de-France, du Conseil départemental des Hauts-de-Seine et du sénateur Gattolin.

Si le château d’Asnières a suscité immédiatement de la curiosité, de l’admiration, de l’émotion, il a rapidement pris le surnom de « petit bijou de la petite Couronne ». Il est, en effet, l’un des rares survivants de tous les châteaux de style Rocaille des Hauts-de-Seine. La tourmente révolutionnaire épargnera heureusement le château. En effet, la Ville sera préservée, à cette période, des spoliations et des crimes.


Splendeurs et misères d’un château de plaisance

Premier acte de renaissance

Tout en achevant la restauration extérieure, les travaux menés de février 2005 à septembre 2006 inaugurent une dynamique nouvelle de résurrection de ce patrimoine exceptionnel, permettant pour la première fois l’ouverture de quelques-unes des salles les plus remarquables, tout en l’inscrivant dans un cadre environnemental digne de lui. 

Après la consolidation des structures du bâtiment, très éprouvées par plus d’un siècle d’usage scolaire et trois décennies d’abandon, c’est toute la partie orientale du rez-de-chaussée du château, qui a été restaurée et équipée de toutes les infrastructures modernes.

 

La galerie, un miraculeux retour d’exil

Écrin des collections du marquis de Voyer, la galerie a perdu en 1897 ses superbes lambris Rocaille dus au talent de Nicolas Pineau. Demeuré un siècle dans les réserves d’un antiquaire, le décor a pu être racheté en 1996 et être remonté à son emplacement d’origine. 

Le parquet à panneaux Versailles, rétabli d’après les témoins en place a retrouvé une finition colorée conforme aux usages du XVIIIe siècle, de même que les boiseries sculptées dont la teinte d’origine, a pu être reconstituée d’après les témoins conservés. Avec la cheminée et les 3 bordures de glace disparues, évoquées en trompe-l’œil d’après les dessins de Pineau, l’ensemble permet de redécouvrir l’un des témoins majeurs du style Rocaille parisien.

 


Le Grand Salon et la chambre du Marquis, des chefs d’œuvre dispersés

Le décor des boiseries sculptées et dorées du grand salon vendu en même temps que celui de la galerie, est aujourd’hui remonté en Angleterre. Les arrière-voussures des baies et la corniche, ont retrouvé leurs couleurs du XVIIIe siècle. 

Les peintures murales, exécutées en 1897, ont été remises en état, tandis que le parquet à panneaux Versailles, identique à celui de la galerie, a été restitué. Il en est de même dans la chambre du marquis, où la corniche dorée a pu être remise en valeur, ainsi que la cheminée Louis XVI.
 

L’avant-corps sur les jardins : le décor sculpté remembré

Pour cet élément majeur de la composition de la façade principale du château, Mansart de Sagonne avait commandé à Coustou un riche décor sculpté, dont ne demeuraient en place que les agrafes des baies, les chapiteaux et les consoles.

Les deux groupes sculptés originaux, représentant Apollon et Vénus, conservés aux États-Unis, ont pu être moulés pour être reposés sur leurs socles, tandis que les bustes de l’étage sont des moulages d’œuvres conservées au château de Versailles. Enfin, les trophées d’armes et l’effigie de Louis XV en couronnement ont été reconstitués d’après les dessins de Pineau et des œuvres analogues, retrouvant ainsi la vision de ce véritable morceau de bravoure.

 

Un moment de perfection de l’art Français

Sous le règne de Louis XV

Le château d’Asnières est l’un des seuls rescapés parmi tous les châteaux de la couronne parisienne. Il doit sa notoriété aux grands artistes qui l’ont conçu, au point que l’on murmurait que le marquis de Voyer construisait une nouvelle résidence pour le Roi.
 

Le Marquis de Voyer, collectionneur et mécène

Le château d’Asnières n’est encore qu’une maison de plaisance aux portes de Paris, édifiée à l’aube du XVIIIe siècle embellie par Madame de Parabère, maîtresse du Régent, lorsque Marc-René de Paulmy de Voyer d’Argenson, directeur général des haras du royaume et proche du Roi Louis XV, entreprend de le rebâtir en 1750. Grand Seigneur fastueux, collectionneur et homme de goût, le marquis de Voyer fait du château une somptueuse résidence au décor raffiné, agrémentée d’un vaste jardin s’étendant jusqu’à la Seine. 

La vente du domaine en 1769 marque le déclin du château qui passe de main en main au cours du XIXe siècle, jusqu’à devenir lieu de fêtes sous le Second Empire, avant que l’école Ozanam puis l’institution Sainte-Agnès ne l’occupent jusqu’à son rachat à la fin du XXe siècle, par la Mairie d’Asnières, après que son décor intérieur ait été dépecé et son parc loti.

Le château d’Asnières demeure un superbe cadeau des générations passées aux générations présentes et « à venir ». Jacques Hardouin-Mansart de Sagonne – petit-fils de Jules Hardouin-Mansart, premier architecte et surintendant des Bâtiments de Louis XIV, constructeur de Versailles - est l’auteur de nombreux édifices, dont la cathédrale Saint-Louis de Versailles, témoin grandiose de l’architecture religieuse du XVIIIe siècle.

À Asnières, il transforme avec brio la bâtisse existante en château, composant en particulier l’avant-corps sur les jardins. Nicolas Pineau et son fils Dominique, ornemanistes et sculpteurs, comptent parmi les plus grands créateurs des décors du XVIIIe siècle, dont la notoriété s’étend jusqu’en Russie, où Nicolas fut appelé par le Tsar Pierre « Le Grand » pour la décoration du palais de Peterhof près de Saint Pétersbourg. Maîtres du style Rocaille, de nombreux hôtels parisiens possèdent des lambris dus à leurs talents conjugués et la galerie d’Asnières est un témoignage retrouvé de leur virtuosité.

Guillaume II Coustou, sculpteur du Roi, est le fils de l’auteur des célèbres « Chevaux de Marly ». Il exécuta de nombreuses commandes pour les bâtiments du Roi, dont le mausolée du Dauphin et de la Dauphine à la cathédrale de Sens. Pour Asnières, il sculpte les deux groupes d’Apollon et de Vénus sur l’avant-corps ainsi que probablement le masque de Neptune de la baie de l’axe du rez-de-chaussée, seul original en place.

 

Les salles du premier étage

L’antichambre de Madame

Cette pièce revêt un intérêt majeur : le décor que l’on peut admirer est attribué à Paolo Antonio Brunetti (1723-1783), appartenant à une dynastie d’artistes italiens spécialistes de la perspective et des décors de théâtre.

Peu de témoins ont survécu de leur abondante activité :

  • les parois du grand escalier de l’hôtel de Luynes (1748) remontées au musée Carnavalet ;
  • la chapelle des Âmes du Purgatoire à l’église Sainte-Marguerite à Paris (1760-1764) ;
  • le vestibule de la folie Saint-James à Neuilly (1774-1775).


Le décor d’Asnières occupe une place à part dans ce corpus, dans la mesure où il est franchement dans le goût Rocaille, et intégralement traité en grisaille. Il s’agit là d’une véritable résurrection car la pièce avait été modifiée dans son volume et le décor recouvert par plusieurs couches de peintures modernes.

Le dégagement minutieux des parties conservées, essentiellement entre les fenêtres et autour de la porte de communication avec la chambre voisine, a permis de retrouver quatre vases dans des niches en trompe-l’œil, ainsi qu’un vase en dessus de porte et des panneaux simulant des lambris. L’ordonnance du reste de la pièce a ainsi pu être recréée par symétrie, et selon les archives. Sur le grand panneau face aux fenêtres, où figurait à la fin du XVIIIe siècle un grand plan, a été mise en place une reproduction de la « Carte des chasses », l’une des plus belles cartes gravées des environs de Paris entreprise sous Louis XV, où figure Asnières, et qui accompagne parfaitement la subtile harmonie de gris qui préside à l’atmosphère unique de cette pièce.

La restauration des parties authentiques, très dégradées, a représenté plusieurs mois de travail, pour retrouver la lisibilité de l’original, ainsi que les effets de perspective voulus par Brunetti ; une « fenêtre témoin » a été ménagée sur le trumeau de gauche du mur principal, qui permet d’apprécier les vicissitudes de l’œuvre.

À droite en entrant, les deux niches encadrant la porte qui conduisait autrefois à la chambre de Madame, qui occupait l’avant-corps de l’aile en retour détruite au début du XIXe siècle, abritaient des poêles de faïence, reprenant le modèle des vases peints par Brunetti, qui sont aujourd’hui évoqués par des silhouettes.

Enfin, le sol a retrouvé son carrelage en tomettes anciennes, comme dans la plupart des pièces de l’étage, témoignant du statut de « maison aux champs » de cette demeure si raffinée.

 

La Chambre Grise

Cette pièce est la seule ayant conservé ses boiseries d’origine. La cheminée a retrouvé son manteau en marbre de Rance, d’origine Louis XV, ainsi qu’un miroir au mercure (comme les miroirs de la galerie des glaces à Versailles) et sa bordure restituée d’après les dessins de Nicolas Pineau.

Un trumeau du XVIIIe siècle, de style Rocaille, s’insère désormais parfaitement dans les boiseries. Il est agrémenté de beaux bras de lumière en bronze d’époque Louis XV. La plaque de cheminée est d’origine. Les lambris de la chambre à alcôve, déposés au cours de la première phase de travaux pour permettre la restauration de l’ossature du plancher bas, sont restaurés et les manques très ponctuels complétés. Le revêtement de sol en tommettes a été restitué.

La Grande Salle de l’avant-corps (Salle Mansart de Sagonne)

Située dans l’avant-corps central de la façade méridionale, la pièce centrale est aujourd’hui la plus vaste des pièces de l’étage.

Auparavant, cette pièce était constituée de plusieurs chambres. On était sous le grand dôme supprimé à la fin du XVIIIe siècle.

Le sol est en parquet moderne. Le plafond a été refait à la fin du XIXe ou au début du XXe siècle. Cette salle a été aménagée de façon contemporaine et fonctionnelle, pour accueillir réunions et expositions.

Le corridor

Le décor extrêmement sobre du corridor a été restauré à l’identique. Le sol du couloir, noir et blanc, appelé « dalle de pierre de liais à cabochons de marbre noir », est d’origine mais remis en place. En effet, lors de la restauration, les carreaux ont été retirés un par un, numérotés puis replacés en lieu et place.

À l’emplacement actuel de l’ascenseur, il reste une trace de la volée d’escalier par laquelle on accédait aux combles au XVIIIe siècle.

L’escalier de service, facilement reconnaissable par son nez de marche en bois et ses tomettes, est entièrement d’origine.

Les combles

Dans les combles ont été aménagés l’intégralité de l’air conditionné du 1er étage ainsi que les systèmes de sécurité. L’ascenseur permet d’y accéder.

La lanterne

Le vestibule octogonal, à l’extrémité du château, montre l’habileté de Jacques Hardouin-Mansart de Sagonne dans la distribution des appartements.

Cité dans les textes, son appellation est due à sa forme centrée et surtout au fait qu’à l’origine, il devait embrasser à la fois le premier étage et le comble, et disposer d’un éclairage par le haut, dispensé par un lanternon vitré en toiture. Intégralement gommé par les aménagements modernes, sa restitution en plan a été rendue possible par l’analyse de la structure des planchers d’étage, et va de pair avec la reconstitution des chambres adjacentes.

Seule l’élévation sur deux niveaux n’a pu être retrouvée, la silhouette du comble moderne interdisant de retrouver la transparence initiale.

La chambre chinoise

Au temps du marquis, cette chambre à alcôve était constituée de tentures chinoises. Comme l’intégralité des pièces du premier étage, à l’exception de l’antichambre de Madame, les peintures sont faites à l’huile de lin dans le respect des traditions du XVIIIe siècle. Le miroir fait partie des collections Dior.

La chambre jaune

La travée de la cheminée a été restituée : on peut admirer son chambranle en marbre gris Sainte-Anne, d’époque Louis XVI, son miroir au mercure ainsi que sa bordure. Les lambris de l’élévation ont été restaurés.

 

Travaux de restauration

L’organisation générale de l’étage évoquée précédemment, de même que l’ampleur des travaux à entreprendre, a conduit naturellement, au sein d’une opération unique, à phaser l’opération en deux temps. Dans un premier temps, le niveau bas de l’étage qui occupe le tiers ouest de l’étage et abrite l’antichambre de Madame a été traité pour donner un véritable aboutissement au grand escalier.

Les travaux se sont poursuivis sur le reste de l’étage dans une seconde phase, comprenant également l’aménagement de la cour au nord du château.

Tous les éléments anciens d’architecture et de décor en place, déposés ou connus par les documents d’archives ont guidé la restauration, visant à évoquer, dans la mesure du possible, l’ambiance du XVIIIe siècle.

Les reprises de structure des planchers ont été menées en conservant et en consolidant la structure bois ancienne, qui relève de la substance patrimoniale de l’édifice, et en ne remplaçant que les structures modernes qui, paradoxalement sont en général les plus problématiques pour garantir la résistance au feu.

Les teintes d’origine retrouvées par sondage ont été reproduites à l’identique, tant dans les espaces secondaires que dans les pièces nobles.

Les travaux de peinture et de restauration des décors peints du premier étage du château ont été effectués par l’Atelier de Ricou, situé à Courbevoie. Ce dernier a également restauré le Pavillon des Indes (Courbevoie).

L’architecte en chef des Bâtiments de France en charge de cette restauration est Frédéric Didier.

Sources : Société 2DBM, Atelier de Ricou

Aujourd’hui, le siège de la fédération française des échecs occupe les combles du château et organise, à hauteur de 80 dates par an, des manifestations autour des échecs. Le reste de l’année est consacrée à la programmation culturelle, associative, au tourisme d’affaires et à la location pour des évènements de prestige.

 

Association des Amis du château et du vieil Asnières

Cette association loi 1901, créée en 1978, a contribué à l’animation, à la préservation et à l’embellissement du château par l’acquisition du lustre du grand salon, des consoles Louis XV installées dans la galerie du marquis, et de l’œuvre monumentale « Le cheval des lumières » réalisée par Kasper, sculpteur asniérois, inaugurée le 6 octobre 2012 dans les jardins.

Ces acquisitions, réalisées grâce aux souscriptions lancées auprès des adhérents de l’association, ont ensuite été reversées à la Ville sous forme de dons.

Association Les Amis du Château et du Vieil Asnières
16 place de l’Hôtel de Ville
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